lundi 16 juin 2008

Hommage à Germaine Tillion, l'ethnologue résistante, humaniste, de Ravensbrück aux Aurès.


"L'asservissement ne dégrade pas seulement l'être qui en est victime, mais celui qui en bénéficie".

« Le terrorisme est la justification des tortures aux yeux d'une certaine opinion. Aux yeux d'une autre opinion, les tortures et les exécutions sont la justification du terrorisme.» (Les Ennemis complémentaires, 1960, p. 47)

C'est une grande dame qui vient de mourir. Et tout d'abord une grande résistante, qui, dès juin 1940, refusera la soumission de la France à l'Allemagne nazie. Avec le colonel Paul Hauet, elle s'engage dans l'action clandestine et rejoint le groupe du Musée de l'Homme, l'un des premiers réseaux de résistance. A 34 ans, cette intellectuelle, fille des créateurs des Guides bleus, assure des reponsabilités de premier plan (filières d'évasion, renseignement, tracts et journaux...) Elle est arrêtée le 13 aout 1942, puis déportée à Ravensbrück, comme Nacht und Nebel c'est-à-dire vouée à disparaître dans "la nuit et le brouillard".

Libérée le 23 avril 1945, elle rapportera de déportation un livre collectif Ravensbrück, qui en 1946, explique le système concentrationnaire. Et également une opérette ! Le Verfügbar aux enfers ne sera joué pour la première fois qu'en juin 2007 au Théatre du Châtelet. Engagée dans la connaissance de la déportation, elle dénonce, dès 1949, le Goulag soviétique.

Ethnologue, formée par Marcel Mauss et Louis Massignon, elle est une spécialiste des Berbères. Avant guerre, elle effectue de nombreux séjours parmi les tribus d'Algérie, mais sa thèse est perdue lors de sa déportation. Elle publiera plus tard, en 1966, "le Harem et les cousins", considéré par les spécialistes comme un classique de l'ethnologie. De retour en Afrique du nord dans les années 50, elle constate la "clochardisation" des populations indigènes et s'engagera, en 1957, contre la pratique de la torture en Algérie. Gaulliste et catholique, elle servira à plusieurs reprises de contact entre les autorités françaises et les militants algériens.

Lorsqu'en 2000 la polémique resurgît sur la torture (l'affaire "Aussaresses"), Germaine Tillion signe l'appel des Douze, soutenue par le journal communiste l'Humanité. C'est dans L'Huma qu'elle expliquera le mieux sa position humaniste: "Il faut punir les actes mais (...) il faut avoir un peu pitié des gens qui les ont commis…"
http://www.liberation.fr/culture/322126.FR.php

Son parcours détaillé:
http://www.herodote.net/articles/article.php?ID=317
Ses combats:
http://www.monde-diplomatique.fr/2001/01/RIPOLL/14673

« ...Je n'ai pas « choisi » les gens à sauver : j'ai sauvé délibérément tous ceux que j'ai pu, Algériens et Français de toutes opinions. Je n'ai ni cherché ni (certes) désiré les périls représentés par l'entreprise qui me fut proposée en juillet 1957: exactement, c'est l'entreprise qui est venue me tirer par la main.
« Il se trouve» que j'ai connu le peuple algérien et que je l'aime ; «il se trouve » que ses souffrances, je les ai vues, avec mes propres yeux, et «il se trouve » qu'elles correspondaient en moi à des blessures ; «il se trouve», enfin, que mon attachement à notre pays a été, lui aussi, renforcé par des années de passion. C'est parce que toutes ces cordes tiraient en même temps, et qu'aucune n'a cassé, que je n'ai ni rompu avec la justice pour l'amour de la France, ni rompu avec la France pour l'amour de la justice.» (lettre ouverte à Simone de Beauvoir, 1964- A la recherche du vrai et du juste, p.259)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire