vendredi 5 juillet 2013

Le catholicisme identitaire où le péril nihiste d'une certaine Eglise

Le formol à la vertu de pérenniser  l'identité biologique d'un corps. De le figer, de le fixer chimiquement dans une solution pure, pour ne pas détériorer, altérer le corps, éviter son  pourrissement.
Mais, tout ce qui baigne dans le formol est par principe mort.  Une Eglise identitaire, ne peut que mourir, car elle ne peut refléter qu'un temps donné, un lieu donné. Elle est par principe exclusiviste et donc non universelle. Cette peur de perte d'identité est le symptôme de sa propre vulnérabilité, son ignorance et son manque de confiance envers sa propre foi, ses textes.

Dans cette séquence de querelles franco-francaises des manifestations contre le Mariage homosexuel, nous avons observé une crispation et une affirmation forte de l'identité  d'une certaine Eglise de France qui a écrasé toutes les autres opinions.
Cela s'est exprimé par:
-Un refus du dialogue sur le sujet (aucun débat au sein des paroisses, rejet systématique de tous ceux qui pensaient autrement, même les prêtres populaires comme Guy Gilbert). Ce refus de dialogue était peut-être la conséquence d'un néant intellectuel (qui sont les grands penseurs et scientifiques chrétiens qui pouvaient apporter  des éléments, proposer des chemins et rayonner au delà de leur microcosme?). 
-Un rejet de la Démocratie (chercher à faire plier la République par la Rue, déni de légitimité de l'Assemblée). Dieu  et "l'ordre Naturel" étant au dessus  des lois humaines.
-Une violence des opinions à l'encontre des homosexuels et leurs enfants.
Le simplisme et l'essentialisme de ces slogans ou doctrines morales, ne viennent  pas uniquement des médias,  ou des vieux complots judéo-maçoniques, cherchant à détruire les valeurs de la "Fille ainée de l'Eglise", et dénaturer "l'ordre naturel" du monde (opinions que j'entends fréquemment dans ce milieu, la réflexion ne dépassant souvent guère le stade du slogan, tout en ayant la conviction de la supériorité  et de la Vérité absolue).
  
Les crispations et replis de chaque culture ou religion expriment systématiquement par la peur de l'autre, la peur de soi, et par un cri puissant, en fait, l'expression de son dernier souffle. Les fondamentalismes sont des nihilismes qui s'ignorent (je pense aux traditionalistes et fondamentalistes de toutes les confessions).
La Crainte du Monde succède à la crainte de Dieu d'autrefois en Occident. Ce Monde actuel serait cette Altérité diluant les identités des religions et des cultures.
 (référence aux extrémismes de Droites et Gauches). Il est aussi la fin du pouvoir des religions sur les âmes dans le fantasme d'un Relativisme contemporain éradiquant le pouvoir des "Vérités Universelles" religieuses et naturelles (référence au repli de "l'intelligent design").

Le catholicisme identitaire dans la peur de l'altérité et l'incapacité à appréhender  la complexité du monde, se replie dans un cri d'effroi. L'effroi c'est l'ultime expression devant la mort!

Il faut pour nous autres qui avons une approche différente de ces manifestants, pardonner les  dérives de cette Eglise intransigeante, pour ne pas rajouter de la division. Et,  comme Mrg Dagens, après la violence intrinsèque de la Rue, cette rue qui à volontairement nié, rejeté l'altérité  au sein de son Eglise même, tendre la main et proposer ce dialogue refusé. Avoir le courage de continuer à proposer un autre regard sur notre commune Humanité. Confiant envers le monde qui vient et fidèle aux sources de nos textes.

D'autres témoignages dans l'article de Stephanie le Bars, Le Monde du 25 Mai 2013


« Nous devons être au milieu des gens, les témoins pacifiés du Tout-Puissant, des hommes sans convoitises ni mépris, capables de devenir réellement leurs amis ».

Citation d'Eloi Leclerc. Faisant parler St François dans "Sagesse d’Un Pauvre"( page 139, Desclée de Brouwer). 




Le catholicisme intransigeant, une tentation permanente, par Mgr Dagens

Un certain nombre de catholiques français, qu’il ne faut pas confondre avec l’Église catholique qui est en France, sont, sans le savoir, fidèles à une tradition qui vient de très loin, bien avant la Révolution française. Ils se laissent déterminer de l’extérieur, par ce que le général de Gaulle appelait les « circonstances » de la vie politique. Ils sont pris dans des rapports de force qui leur échappent, mais en fonction desquels ils rêvent d’affirmer leur identité, de façon militante, soit en se défendant contre ceux qui les contestent, soit en participant à des manœuvres offensives, espérant retrouver ainsi des positions dominantes dans notre société.
Cette posture militante, cette culture de combat n’est pas nouvelle. Elle correspond à cette longue tradition qu’Émile Poulat, René Rémond et bien d’autres historiens ont désignée comme celle du catholicisme intransigeant qui s’est développée tout au long du XIXe  siècle, pour résister à tous ceux qui semblaient hostiles à l’autorité de l’Église. Cette interminable guerre des deux France s’appuyait sur des idéologies consistantes, d’un côté celle qui inspirait le parti clérical, et de l’autre celle qui accompagnait la naissance et l’affirmation du projet laïque.
On peut toujours rêver de réveiller ces vieilles querelles, en invoquant d’un côté le programme de l’Action française de Charles Maurras et de l’autre les réalisations de Jules Ferry ou les idées de Ferdinand Buisson, sans parler de la rivalité entre les curés et les instituteurs. Mais c’est peine perdue. Parce que les idéologies qui soutenaient ces projets politiques sont mortes et que personne ne peut les ressusciter, à moins de faire le choix, du côté catholique, d’un enfermement dans des réseaux serrés qui se réclameraient d’une foi pure et dure et, du côté laïque, de la remise en valeur d’une morale fondée sur des valeurs abstraites.
(...)
Quant aux responsables de l’Église catholique en France, dont je suis solidaire, ils seraient mal inspirés s’ils cherchaient à prendre en marche le train des poussées politiques, en essayant de faire plaisir aux ultras et aux autres. Si cet opportunisme l’emportait, il faudrait en payer le prix dans quelques années. Je suis préoccupé, parce que j’ai parfois l’impression que la joie provoquée par l’élection du pape François est estompée par les crispations actuelles et que la référence à la simplicité et à la force de l’Évangile s’atténue !(...) Ce n’est pas de calculs politiques que nous avons besoin, c’est du courage d’être nous-mêmes, des disciples et des témoins de Celui qui est venu pour « chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc 19, 10) et aussi pour « réunir les enfants de Dieu dispersés » (Jean 11,52).

Mgr Claude DAGENS, évêque d’Angoulême, de l’Académie française  

Une remarquable synthèse sur ce sujet  se trouve sur le site "Penser le genre catholique" qui met en perspective la lettre de Mrg Dagens,  avec:
un édito de Bruno Frappat dans La Croix:
"L’Église s’est beaucoup avancée sur ce dossier. Ses raisons ne sont pas secondes ni injustifiées. Mais en laissant les fidèles se faire approcher par les sirènes politiciennes des droites, et cheminer en traînant dans leur sillage les brigades de l’ultra-droite (quitte à se pincer le nez), elle a pris un risque. Elle a accompagné, sans se rendre compte ni évidemment le vouloir, un « retour du refoulé » de l’homophobie (celle-ci s’étale sans honte sur les forums de l’Internet). Elle a pris le risque d’être instrumentalisée par des officines plus proches de l’intégrisme que de la fidélité à Rome. Surtout, elle aura fourni mille et un arguments aux anticatholiques primaires qui, depuis des lustres, trouvent en elle l’incarnation de la réaction."
 et une interview de Jean-Louis Bourlanges:
"Il y a quand même un très grand précédent historique qui doit nous hanter : c'est celui de l'Affaire Dreyfus. Au moment de l'Affaire Dreyfus, la droite opportuniste, républicaine et modérée (...) était partie pour diriger le pays jusqu'en 1914. Et l'Affaire Dreyfus, qui est quand même un fait divers, a cassé complètement ce mécanisme. Une partie de la droite s'est mise dans une espèce de réaction pour l'Armée, pour l'Église, contre les juifs, sur le fond d'anti-modernisme du pape. Ils se constitués. Du coup, le parti au pouvoir opportuniste s'est rompu (...) et la gauche a dominé la vie politique française pendant 15 ans. Mais cette cassure sur l'Ordre moral c'est un vieux démon de la droite depuis 1830, depuis l'Affaire Dreyfus et qui ré-apparaît aujourd'hui sans qu'il soit possible d'en mesurer les conséquences..."

Voici pour finir des propos lus et entendus durant ces manifestations:
«Ce qui se passe aujourd’hui est aussi grave que ce qui a été fait pendant la Seconde Guerre mondiale. Il n’est pas pire d’obliger quelqu’un à porter une étoile jaune que de priver un enfant d’un papa et d’une maman»«même si on n’a rien contre les homosexuels». «Il est inconcevable que des personnes stériles de fait puissent se marier et demander des enfants» le mariage, c’est «l’union entre un homme et une femme en vue de procréer» il faut défendre «l’ordre naturel»

Pourquoi, en tant que catholique, il me semble impossible de participer à la manifestation dite « mariage pour tous »

Je publie cette lettre du blog "Baroque et Fatigué" à laquelle j'adhère pleinement.
L'essentialisme et le simplisme des cris de la rue catholique ont fait un mal fou à l'image de l'Eglise, son humanisme et sa diversité. Refusant le dialogue, celle-ci,  doit aujourd'hui accepter la légitimité de la République, et écouter les voix  de sa famille, comme Monseigneur Dagens et  d'autres personnalités qui se réveillent enfin. 

1. Parce que certains d’entre nous ont participé à la manifestation du 31 janvier 1999 contre le PACS, et que contrairement à ce que nombre d’évêques et de personnes autorisées prévoyaient à l’époque, les fondements de la société n’ont pas été ébranlés, les droits des enfants n’ont pas été bafoués. Chaque année, il y a un divorce pour deux mariages, contre une rupture de PACS pour six PACS conclus. Et un tiers des PACS rompus le sont parce que les pacsés… se marient.
2. Parce que l’homosexualité telle que nous la voyons autour de nous n’a rien à voir avec celle qui est condamnée dans l’Ancien Testament, ni avec celle que réprouve saint Paul. Il ne s’agit pas de pédérastie ou d’exploitation sexuelle des esclaves comme c’était souvent le cas de l’Antiquité ; il ne s’agit pas de la pure et simple satisfaction de besoins sexuels ou affectifs. Nous voyons autour de nous des couples homosexuels stables, fidèles, aimants, et qui ont une très réelle fécondité au sein de notre société. Cela doit nous amener à changer le regard que nous portons encore trop souvent sur les personnes homosexuelles – beaucoup d’entre nous l’ont déjà fait, et que personne ne se sente ici accusé d’homophobie – mais aussi à revoir un cadre législatif qui ne permet pas de prendre en compte leur situation de façon appropriée.
3. Parce qu’en dépit de ces changements, l’Église n’a pas modifié sensiblement le discours qu’elle tient sur l’homosexualité, qu’elle tient, dans les documents publiés par le Saint-Siège comme dans les déclarations de beaucoup de ses pasteurs, un discours trop souvent blessant, et qui traduit, aux yeux de beaucoup d’entre nous, une grande méconnaissance de l’homosexualité, et l’insuffisance de sa réflexion sur ce sujet. Il aurait sans doute été préférable que notre Église ne s’implique pas à ce point dans ce débat avant d’avoir réfléchi en profondeur à la validité de son enseignement ; nous sommes tous responsables de cet état de fait. Il y a une distinction à faire entre la Vérité que nous avons pour vocation d’annoncer au monde, et ce qui n’est peut-être qu’une mauvaise habitude de pensée, une tradition obsolète. Il est décevant que les médias catholiques ne donnent la parole qu’à des « experts » dont la compétence est plus que discutable, comme Philippe Ariño (dont le parcours personnel est tout à fait respectable, mais qui explique l’homosexualité masculine par un fantasme de viol, ce qui est pour le moins  réducteur) ou Tony Anatrella (qui, pour résumer, réduit l’homosexualité à un narcissisme et à une immaturité affective, ce qui traduit une profonde méconnaissance du sujet), et qu’en parallèle on s’intéresse si peu aux études de genre, caricaturées en une « théorie du genre » qui n’existe que pour ceux qui en ont peur.
4. Parce que le caractère « intrinsèquement désordonné » (c’est l’expression du Catéchisme de l’Église catholique) d’un acte sexuel entre deux hommes ou deux femmes, à ce qu’il me semble, n’a précisément rien à voir avec la Vérité, et tout avec des habitudes de pensée, des traditions auxquelles nous pourrions renoncer sans dommage. Je ne répèterai jamais assez cette citation de François Mauriac : « Le Christ, dans son enseignement, paraît ne s’être jamais inquiété de nos goûts singuliers. Il ne lui importe aucunement de connaître les bizarreries de nos inclinations. Son exigence, sa terrible exigence, et qui est la même pour tous, c’est que nous soyons purs, c’est que nous renoncions à notre convoitise quel qu’en soit l’objet La réprobation du monde à l’égard de l’homosexualité, et qui est d’ordre social, n’offre aucun caractère commun avec la condamnation que le Christ porte contre toutes les souillures, ni avec la bénédiction dont il recouvre les cœurs qui se sont gardés purs : Beati mundo cordes quoniam ipsi Deum videbunt. »
5. Parce que la loi sur le mariage pour tous me semble contribuer au bien commun. Elle permettra à des couples qui souhaitent donner un cadre juridique à leur union de le faire dans les mêmes conditions que les autres. Nous n’avons aucune raison de juger a priori leur attachement superficiel ou insincère. Nous n’avons aucune raison de refuser à deux personnes de même sexe formant un couple de se transmettre leur patrimoine dans les mêmes conditions que les autres, de tisser entre elles la même solidarité que celle qui peut unir les autres. Quand la situation se présente, nous n’avons aucune raison de leur refuser d’élever ensemble des enfants dans les mêmes conditions que les autres. Le fait d’élever un enfant, d’être son père ou sa mère, n’a jamais été, dans aucune société humaine, consubstantiellement lié au fait d’avoir participé à sa conception. On ne saurait parler à ce sujet de mensonge (outre que ce terme est profondément blessant) – ou alors les parents célibataires sont des menteurs, les parents divorcés sont des menteurs, les parents qui adoptent sont des menteurs, ce qui fait beaucoup de menteurs.
6. Parce que les arguments présentés par ceux qui parlent de la famille nucléaire (ou « un papa, une maman, un ou plusieurs enfants ») comme d’un modèle unique, exclusif et indépassable me semblent faibles. L’histoire des sociétés humaines montre que ce modèle n’est ni plus « universel », ni plus « naturel » qu’un autre. L’Église elle-même a toujours reconnu la diversité des états de vie : mariage, célibat, vie consacrée, sacerdoce, vie religieuse communautaire. À cet égard, les couples homosexuels ne me semblent pas représenter un bouleversement majeur ; il suffit d’en connaître quelques-uns pour saisir à quel point ce qu’ils vivent ressemble profondément à ce que vivent les couples hétérosexuels. Quant à vouloir préserver l’institution du mariage de tout changement : on oublie un peu vite qu’il n’y a pas si longtemps, se marier, c’était débuter une vie commune avec quelqu’un qu’on avait rarement choisi – vie commune marquée par la domination de l’un des deux membres du couple sur l’autre. (Je ne crois pas qu’il y ait eu, en ce temps, de grandes manifestations contre le mariage tel qu’il était). Pour autant qu’il soit possible d’en juger au for externe, de ce mariage et de celui de deux personnes homosexuelles aujourd’hui, lequel vous paraît le plus éloigné d’un hypothétique modèle d’union chrétienne ? Il me semble que la question mérite d’être posée.
7. Parce que la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA) sont des problèmes bien distincts de celui du mariage pour tous. Si l’Église ne considère pas la plupart des formes de procréation médicalement assistée comme moralement acceptables, c’est pour des raisons qui s’appliquent tout autant à un couple hétérosexuel qu’à un couple homosexuel. Il aurait pu être pertinent de mettre un million de personnes dans la rue lorsque la fécondation in vitro (et la production d’embryons surnuméraires qui y est hélas associée) a été autorisée : il est étrange de ne s’en préoccuper à ce point – même si je n’ignore pas toutes les actions entreprises par des catholiques pour combattre cette pratique – qu’à l’heure où les couples homosexuels pourraient y avoir accès. Quant à la gestation pour autrui, elle n’est à l’heure actuelle pas légale en France, que le couple intéressé soit homosexuel ou hétérosexuel. La plupart des couples qui recourent à ce procédé dans les pays qui l’autorisent sont hétérosexuels. Bref, s’il y a un risque de reconnaissance d’un « droit à l’enfant », c’est un problème global, c’est le problème de tous les couples, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels, et stigmatiser les couples homosexuels comme nécessairement « égoïstes » dans leur désir d’enfant est injuste et mensonger.
8. Parce que je crois que les personnes homosexuelles sont, comme chacun d’entre nous, appelées à la sainteté, et qu’avoir la possibilité de se marier les aidera à être toujours plus aimantes, heureuses et fidèles, ce dont un catholique, à ce qu’il me semble, ne peut que se réjouir. Leur permettre de faire ce choix, ce n’est pas manquer de reconnaissance à nos parents et éducateurs ; cela n’a rien de contradictoire avec les choix que nous avons faits, si différents qu’ils puissent nous paraître. Pour toutes ces raisons, en tant que catholique, il me semble impossible de manifester le 13 janvier, et je me permets de vous faire une proposition alternative : prier pour que, si la loi est votée, les couples homosexuels qui choisiront de se marier civilement en tirent tout le bien possible.
4 janvier 2013

vendredi 26 avril 2013

Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu!

« Le Christ, dans son enseignement, paraît ne s’être jamais inquiété de nos goûts singuliers. Il ne lui importe aucunement de connaître les bizarreries de nos inclinations. Son exigence, sa terrible exigence, et qui est la même pour tous, c’est que nous soyons purs, c’est que nous renoncions à notre convoitise quel qu’en soit l’objet La réprobation du monde à l’égard de l’homosexualité, et qui est d’ordre social, n’offre aucun caractère commun avec la condamnation que le Christ porte contre toutes les souillures, ni avec la bénédiction dont il recouvre les cœurs qui se sont gardés purs : Beati mundo cordes quoniam ipsi Deum videbunt. »
(Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu! )

François Mauriac, « Les catholiques autour d’André Gide », Hommage à André Gide, NRF, 1951, p. 103-107

mercredi 24 avril 2013

Des revendications religieuses en Démocratie. Suite et fin du débat,sur le mariage pour Tous!

(...)Le fait que des croyances religieuses soient brandies par des minorités pour engager des croisades, montre amplement que la religion et ses adeptes ne respectent en rien les principes démocratiques, c’est-à-dire un système de pondération des passions qui permet aux souverains de chercher les meilleures voies pour résoudre pacifiquement les conflits qui les opposent à d’autres (...)
Malek Chebel - publié le 01/09/2012, Le Monde des Religions.

« Lorsqu’on parvient à la limite du monologue, aux confins de la solitude, on invente, à défaut d’autre interlocuteur, Dieu, prétexte suprême de dialogue. Tant que vous Le nommez, votre démence est bien déguisée, et tout vous est permis. » 
Cioran

lundi 22 avril 2013

La manifestation, les catholiques et les bonnets phrygiens!


"On lache rien!" entonnent les manifestants! Le slogan venant d'un tube d'HK et Samples Saltinbanks alter-gauchos, diffusé en boucle dans les cortèges mélanchoniens et repris sans gène aujourd'hui, de Versailles à Neuilly sur Seine! La musique est chaleureuse, entrainante, et fait vite oublier les paroles et le contexte politique d'origine!
Barjot invite à manifester aux cotés de Melanchon, le populiste d'extrème gauche, après avoir embrassé Maitre Collard, le populiste d'extrème droite hier. 
Jusque là, on n'est pas étonné des affinités politiques et populistes de ce mouvement réactionnaire et conservateur. Je pose la question aux manifestants guillerts:  sentez-vous poindre une confusion? Celle de marcher dans la rue, à droite, avec des symboles très ancrés à gauche? Celle d'une France républiquaine et démocrate appaisée mains dans la main avec des partis extrémistes et populistes?

"Nous devenons des pros de la manifestations, alors que nous n'avions jamais manifesté", entend on sur les ondes. La rue exutoire des rancoeurs (élections perdues, non représentativité proportionnelle parlementaire) devient le modèle  d'expression et d'action pour ces gens, aux visages si dociles en apparence. Cette rue criarde que  les gens de Droite, pourtant haïssait...
L'anti-parlementarisme est une forme de populisme notoire. Rejeter la légitimité de ceux qui nous représentent, les députés de notre assemblée  est inquiétant. A ce jeu l'UMP, qui à fait de ces manif un cataliseur politique et un marqueur idéologique adressé à l'électorat extrèmiste, mène le cortège, au propre comme au figuré. Ce montre aussi comme ce sujet dont on me jurait qu'il n'était pas politique est en fait hyper politisé, les organisateurs eux mêmes créant leur parti et iront proposer des listes aux cantonales! L'UMP n'est pas uniquement porté par ceux qui crient le plus fort. Ceux là, tentent d'exiter pour exister. Comme le disait Marine Le Pen, c'est bien elle qui donne le ton idéologique et les Buissons qui courent après, sans idées, ni projet, la bosse du coup de massue d'une défaite politique et idéologique derrière la tête.

Mais il y a plus étonnant, et des voix s'élèvent enfin. Même au coeur des intellectuels de droite comme l'historien, Jean Sévillia:
"On y voit apparaitre des symboles révolutionnaires. ce qui représentent la Terreur qui a tué tant de gens du clergé et de l'aristocratie:"[...] Le bonnet phrygien, devenu l’emblème du mouvement révolutionnaire en 1790, s’impose fin 1792, son usage culminant jusqu’à la réaction thermidorienne de 1794. C’est-à-dire que ce couvre-chef incarne peu ou prou la Terreur et même la Grande Terreur, qui est sans doute un des moments les plus tragiques de notre histoire.(...)
Quand je vois un bonnet phrygien, je pense à ces prêtres et à ces religieuses que Carrier, à Nantes, déshabillait et liait nus, l’un à l’autre, l’un face contre l’autre pour être précis, sexe contre sexe, avant de les noyer dans la Loire. Ce charmant adepte de l’Égalité appelait cela un « mariage républicain ». Parenthèse : détourner la symbolique du mariage n’est donc pas nouveau… 
"coeur sacré de Jésus" , symbole vendéen contre-révolutionnaire
Quand je vois un bonnet phrygien, je pense à ce curé vendéen à qui des soldats, sans doute partisans de la Fraternité, avaient tranché les deux mains avant de répandre dans l’auge à cochons le contenu du tabernacle de son église. Ce martyr a été retrouvé accroupi devant l’auge, les deux avant-bras collés contre terre afin de tenter d’arrêter l’hémorragie, et lapant dans l’auge, s’efforçant de disputer aux cochons les hosties consacrées. [...]"

"Sans bonnet phrygien, la manif est plus belle..." titre même un site catholique intégriste  visé par une enquète judiciaire  pour connaissances et avoir diffusé  des informations trop précises sur les déplacements des ministres , dans le cadre des actions quotidiennes militantes (cf, le journal du Dimanche de ce week-end).

Le comble de l'ironie et la confusion des symboles poussée au paroxysme est le  bonnet phrygien rose. Rose "gay friendly" attitude. S'attirer la sympathie des téléspectateurs. Camoufler le rouge sang du bonnet par une couleur guimauve,  enfantine, naïve. C'est camoufler le réel d'une violence de l'inégalité en droite et devoir et c'est camoufler l'inversion des symbôles.
Aussi, Barjot invite l'UOIF à manifester. Là aussi, il y a pour l'opinion des manifestants, une confusion incroyable. Marcher à coté de femmes en Niqab? Les inviter dans la rue? (alors que la veille on les interdisait de prier dans la rue et exigeait d'enlever leurs voiles pour être conformes  aux traditions françaises et de  notre laïcité... Belle intégration! Conforme finalement avec les opinions qui se ressemblent...

Avec les appels au sang de la "Rigide Fardeau"(regrettés après, mais est-ce  responsable et suffisant?), on se demande si les cathos utiliseront la guillotine comme symbole de leur combat en Mai prochain!
Le mélange des symboles vendéens et révolutionnaires est inquiétant. Pauvreté des slogans, arguments, une confusion des symboles qui révèle une perte de sens et donc des valeurs.

C'est une régression civilisationnelles que de voir des gens de valeurs catholiques utiliser des arguments et des symbôles païens révolutionnaires. Inviter l'extrème droite c'est inviter des valeurs du néo-paganisme occidental, dans toutes ses composantes contradictoires (régionalistes, nationalistes (avec ou sans l'Europe) sociales nationalistes, royalistes avec Maurras).
Le rassemblement de la "Nouvelle Droite" et de "l'Ancienne Droite", sur les braises de la Révolution, catarsis de la perte de sens et des valeurs de cette partie des français.

Documents:

Perversion homophobe de la démocratieEric Fassin(Sociologue, université Paris-VIII) Paru dans LeMonde du 24 Avril 2013.


(...)On assiste donc à l'inversion rhétorique de la démocratie pour expliquer, voireexcuser l'homophobie, qui sort avec virulence du placard républicain.
(...)Une deuxième explication renvoie à la droite. Sous prétexte de contenir le Front national, elle en reprend les thématiques xénophobes et islamophobes. En réalité, au lieu de toucher à l'empire des marchés, c'est l'interprétation qu'elle offre au peuple de sa colère. La lutte contre l'immigration subie fut ainsi la réponse donnée par Nicolas Sarkozy au rejet par référendum du traité constitutionnel européen en 2005. L'identité nationale n'est donc que l'autre face de la politique néolibérale. C'est d'ailleurs faute d'avoir rompu avec les options économiques de la droite que la gauche reconduit sa politiqued'immigration.
Quel rapport avec le mariage pour tous ? La racialisation de la nation qu'entraîne la course vers l'extrême droite a pour corollaire la biologisation de lafamille. C'est une même bataille pour la naturalisation de l'ordre social qui se joue dans les deux registres. Selon le code civil, la filiation ne définit-elle pas à la fois la parenté et la nationalité ? Le langage des origines s'y déploie simultanément ; et comme pour compenser ce lexique de la "souche" ou du "sang" français, de la "vérité" biologique ou de la "vraisemblance", jamais la droite n'a tant parlé de démocratie.
La troisième raison tient à l'ordre sexuel. Pourquoi l'Eglise catholique s'est-elle engagée dans cette croisade, déjà amorcée en 2011 contre la "théorie dugender(sic) ? L'enjeu, c'est la "démocratie sexuelle" – soit l'extension du domaine démocratique, avec ses revendications de liberté et d'égalité, aux questions de genre et de sexualité. L'ordre social est-il tout entier sujet à la délibération démocratique, ou bien peut-on encore y préserver un fondement qui échappe à l'histoire et à la politique ? Pour les Eglises, la question est d'importance : si la société ne se définit plus par une autorité transcendante, mais s'institue elle-même en proclamant son immanence, quel contrôle leur concédera-t-elle ?
Aussi la nature biologique devient-elle le refuge de la transcendance : contre le mariage pour tous, l'ancien grand rabbin Gilles Bernheim avait emprunté (sans guillemets) l'expression "écologie humaine" à Benoît XVI ; en retour, celui-ci l'a cité au moment de défendre les "forêts tropicales" du mariage hétérosexuel. Sans doute cette contre-attaque, qui confond Dieu avec la nature, est-elle paradoxale : si on la croit naturelle, pourquoi redouter l'effondrement de l'hétérosexualité dès lors qu'elle ne serait plus instituée par l'Etat ? Et qu'est-ce qu'une institution naturelle ?
La hiérarchie catholique aurait pu s'engager dans des combats moins partisans. Ainsi, la persécution des Roms est indifféremment menée par la droite et la gauche ; pourtant, nonobstant la charité chrétienne, il n'en est pas question dans les manifestations et prières de rue. Privilégier la lutte contre la démocratie sexuelle, c'était choisir l'alliance avec l'opposition. Or, en l'absence de discours alternatif à gauche, c'est contribuer à saper la démocratie elle-même : la dérive de l'Eglise légitime celle de la droite qui la cautionne en retour. "Agonie de la démocratie" ? Espérons que la farce de l'inversion ne se répétera pas en tragédie.


La radicalisation s'enracine-t-elle à droite? (Dossier paru dans LeMonde.fr)


Le "printemps français", une voie entre FN et UMP
(...)C'est la démocratie représentative fondée sur le contrat social. Dans la critique ci-dessus énoncée, la gauche est attaquée la première mais la droite modérée ne l'est presque pas moins, tant la pensée contre-révolutionnaire et organiciste d'inspiration catholique voit les deux familles politiques comme résultant de la même erreur doctrinale : le libéralisme. C'est pourquoi les groupuscules d'extrême droite, loin d'être les initiateurs et les penseurs du mouvement en cours, ne font que profiter d'un effet d'aubaine pour gagner des militants et de l'exposition médiatique.(...)Nombre d'acteurs de la radicalisation en cours ne pensent pas autrement. Ils se croient en guerre contre la subversion qu'incarne, selon eux, la gauche. Ils répondent avec le langage et, chez les plus exaltés, les velléités d'action propres à la doctrine de contre-subversion que l'ex-Cité catholique a laissée en héritage. Leur fascination pour la déstabilisation du gouvernement, voire de l'Etat montre qu'une certaine droite n'accepte toujours pas que la gauche, même démocratiquement élue, gouverne. Comme si, malgré l'existence d'une alternance depuis 1981, une frange de notre pays continuait à se voir comme seule détentrice de la légitimité nationale, et rejouait sans cesse le combat des "deux France".

 Un climat politique qui rappelle la fin du XIXe siècle, non les années 1930

D'où viennent ces militants qui, à coups de tweets et de SMS, se réunissent et se dispersent comme des volées de moineaux, quand ils ne cherchent pas à dresser leurs tentes devant l'Assemblée nationale ? Parmi eux, quelques nervis de la mouvance identitaire, sans doute, mais beaucoup plus sûrement les lointains descendants d'un catholicisme de combat né à la fin du XIXesiècle en réaction à l'anticléricalisme d'Etat.
DEUX FAMILLES DE PENSÉE
Cette tendance a donné naissance à deux familles de pensée dont on retrouve les héritiers parmi les durs de l'opposition au mariage pour tous. D'une part, le rameau du catholicisme social, d'abord fortement identifié au royalisme et finalement rallié à la forme républicaine du régime – par fidélité au mot d'ordre de Léon XIII, le pape du ralliement en 1892 : " Accepter la Constitution pour changer la législation." Sensibilité dont Christine Boutin pourrait aujourd'hui se revendiquer.
L'autre obédience prend son essor dans les années 1900 avec les royalistes de l'Action française, chantres du nationalisme intégral théorisé par Charles Maurras. Aisément endossé par la mouvance intégriste, cet héritage est représenté au sein du Printemps français par sa figure de proue, Béatrice Bourges.
Cette dernière a subi la forte influence d'Ichtus, émanation de l'association maurrassienne la Cité catholique. Son appel à une " résistance à la Gandhi éventuellement illégale" peut se décoder comme une allusion au célèbre distinguo, cher à Maurras, entre pays légal et pays réel.
Un feu de paille, le Printemps français ? Possible. En jouant la carte de la radicalité, en instrumentalisant la diabolisation médiatique dont elle est l'objet, cette galaxie catholique espère bien électriser et libérer de ses inhibitions une partie de la droite parlementaire.
Les passerelles existent, comme en témoignent les quelques députés UMP venus apporter leur soutien aux "campeurs" appréhendés le 14 avril devant l'Assemblée nationale. Avant de crier au retour des années 1930, ne faut-il pas d'abord y voir le signe d'une radicalisation politique comparable à l'exaspération antilaïque de la fin du XIXe siècle, lorsque la "République des Jules" luttait contre l'emprise du religieux sur le politique ?

samedi 20 avril 2013

De la Calligraphie Arabe au Graffiti,une infinie créativité!

Des codes anciens aux nouvelles expressions et revendications populaires.

Le graffiti est un véritable moyen d'expression. Il n'est donc pas étonnant que les murs des pays touchés par le « printemps arabe », soient couverts de messages exprimant la rage et la souffrance. Don Karl peint sous le pseudonyme de Stone depuis trente ans. En 2008, observant les mouvements dans les pays arabes et l'explosion de créativité qui en a découlé, Don Karl commence à rassembler les graffitis arabes
Le Graffiti arabe - Pascal Zoghbi & Don Karl - Editions Eyrolles 
Quatre ans plus tard, la compilation est devenue un livre qui contient des chapitres consacrés aux révolutions arabes. Parmi les artistes du monde entier présents dans ce livre, le Français Charles Vallaud a posé une des premières pierres à l'édifice. Sur les camions au Liban, dans les villages du Bahreïn, sur le mur de Cisjordanie, le virus du graffiti a touché le Moyen-Orient: un ouvrage réédité après le "printemps arabe" témoigne de cette formidable créativité calligraphique qui s'est aussi exportée en Occident..Les nombreuses photos du livre illustrent la vigueur de ce renouveau artistique qui est aussi un art de résistance. Le graffiti arabe s'affiche d'aileurs aussi dans les métropoles occidentales ou sur des accessoires de mode, comme ce sac à main créé par Sarah Beydoun, inspiré par les célèbres camions libanais.
Il exprime tantôt les souffrances d'un peuple, tantôt une recherche d'identité. A Beyrouth, Gaza, Téhéran, à Paris, Londres, Berlin ou Montréal, le graffiti traduit une pensée politique, sociale ou personnelle dans un style calligraphique et typographique très expressif, soulignent les auteurs.
Des spécialistes livrent dans l'ouvrage leur analyse des éléments traditionnels, des nouvelles approches et des contextes socio-culturels et politiques qui ont forgé les mouvements du graffiti au Moyen-Orient. Un chapitre sur le "printemps arabe" complète ce panorama.
L'ouvrage regroupe de nombreux artistes majeurs: Huda Smitshuijzen, Rana Jarbou, Tala F. Saleh, Houda Kassatly, William Parry, Hassan Massoudy, Malik Anas AIRajab, eL Seed, Hestl, Julien Breton, le collectif LightCraff, Sun7, Sadhu, L'ATLAS, Native et ZenTwO, Zepha alias Vincent Abadie Hafez ou encore Monsieur Cana alias Askar.
Au Moyen-Orient la bombe de peinture s’avère être la nouvelle arme très efficace.
Bansky, Palestine
Là où les conflits politiques et religieux fleurissent, les graffitis pacifiques prospèrent. Et pourtant, les graffitis peints la plupart du temps sur des murs de la rue sont loin d’avoir la côte question légalité..
Alors qu’Israël s’embourbe dans un conflit sans fin, nombre d’artistes occidentaux tels que Banksy, Blue, Swoon..- ont fait le déplacement pour appeler à la prise de conscience ou exprimer leur opposition au mur d’Israël. Mots et images dansent sur le mur afin de témoigner  le soutien de ces artistes envers le peuple enfermé. Véritable incarnation des remparts de prison, le mur est devenu le support de toute ode à la liberté et à la justice, plaidant pour davantage de tolérance et d’humanité. On peut y lire des citations de Shakespeare, de la Bible, de Gandhi ou encore de Nelson Mandela. D’autres graffitis, très simples, sont davantages touchants pour leur formule que pour le talent artistique qui en émane. 

Filippo Minelli, Palestine
En effet la sobriété des mots « CTRL + ALT + DELETE » peints en bleu ciel sur le mur près du checkpoint de Qalandiya par Filippo Minelli suffit pour que le message soit clair et saisissant. A Beyrouth, théâtre de l’interminable guerre civile libanaise et tout particulièrement marquée depuis quelques jours, le graffiti est le moyen d’expression pour les « refoulés » de l’expression orale. Ils ne peuvent pas être entendus, mais leurs pensées seront lues. Cela ne les empêche pas de signer ou de laisser entrevoir des commentaires politiques et sociaux sur les murs de la ville. Véritable outil de propagande pour les partis politiques, les marquages au mur comparables aux tags des gangs de New-York et Los Angeles, attestent de l’existence d’un parti dans un périmètre géographique particulier. Dès lors les passants sont informés de l’affiliation politique du quartier dans lequel ils s’aventurent.
La voix du peuple libanais n’est toutefois pas en reste. Vers la fin des années 1990, les oeuvres artistiques autres que dans un but de revendication politique, ont fleuri sur les murs orientaux de Beyrouth. Les premiers s’essayent sur des murs et surfaces à l’abri des regards tels que des usines abandonnées ou des parkings désertés… Par la suite, loin d’être considérés comme un acte de vandalisme au Liban, les graffitis largement inspirés de graffitis occidentaux ont pris leurs quartiers dans toute la ville de Beyrouth. Il faut dire que la calligraphie utilisée étant bien différente de la calligraphie arabe, elle n’est pas assez explicite pour être source de complications. Alors mis en confiance, les crews libanais se lancent et font fi des risques pour s’exprimer dans leur propre langue. C’est ainsi que le duo de hip-hop composé de frères jumeaux nommé « Ashekman » s’inspire des difficultés auxquelles leurs compatriotes sont confrontés, en utilisant une typographie arabe simplifiée pour écrire « la rue est à nous » qui indique leur contrôle des rues via leur art, ou encore « Gaza est dans mon coeur« .

Il semblerait que la prose des rues soit devenue un art qui se transmet au point que des ateliers graffiti sont même organisés à Beyrouth tels que « Spray Can Art, Culture is Dialogue » ou encore « Bombing Beyruth« . Pendant ce temps, Sens (Steffi Peichal), artiste allemande qui vit à Beyrouth et travaille avec des ONG, initie les plus jeunes à cet art de la 

revendication pacifique dans divers camps de réfugiés palestiniens du Liban.

Livré au regard de tous les passants à leur insu, le message-graffiti s’impose comme dernière tentative d’appel au rêve et à la revendication.
Par Maud Ducasse sur le site  Nomes design

The Revolution within yourself’, Ali, Yazan and Zepha, Beirut, 2012


Autre expression contemporaine de la calligraphie arabe, onirique, éphémère avec une technique sans trucage, le Light graff. Publié dans le "graffiti Arabe", un site sur le "Light graff" ou julien Breton alias kaalam.

Julien Breton , alias Kaalam



Focus Histoire:

Les graffiti arabes coufiques des premiers siècles de l’islam, en Arabie comme au Proche-Orient, représentent une source d’information inépuisable sur la société musulmane des origines. Toutefois, la datation des textes du ier/viie siècle, antérieurs aux Umayyades, reste problématique et doit se fonder sur des analyses paléographiques rigoureuses. L’étude du contenu des graffiti relatifs à la foi peut aider à dater ces textes du fait qu’ils connurent des phases progressives de développement. Les plus anciens graffiti datés de 23/643 et 24/644 ne contiennent pas de référence au religieux ; les auteurs, comme leurs contemporains, semblèrent plus intéressés de pérenniser leurs noms sur la pierre, s’inscrivant dans la tradition safaïtique. La question des premières professions de foi montre qu’il a existé des formulations archaïques antérieures à la shahâda traditionnelle, reflet d’un monothéisme tribal très matérialiste. Quant aux demandes de pardon récurrentes dans les graffiti, elles relèveraient d’une stratégie d’écriture. Enfin, la constatation de l’absence de citation du prophète Muḥammad dans les graffiti les plus anciens montre, à elle seule, les enjeux historiques et religieux de cette recherche épigraphique.

vendredi 19 avril 2013

La liberté de conscience, rien que la liberté!

«Si on a la vérité, on n’a rien à apprendre, rien à chercher, mais tout à contrôler et tout à juger »

«J'éprouve une invincible horreur pour tous les supplices et toutes les violences faites à l'humanité sous prétexte de servir ou de défendre la religion... L'inquisiteur espagnol disant à l'hérétique : la vérité ou la mort ! m’est aussi odieux que le terroriste français disant à mon grand-père : la liberté, la fraternité ou la mort ! La conscience humaine a le droit d'exiger qu'on ne lui pose plus jamais ces hideuses alternatives. »
"La liberté, rien que la liberté et la lutte rendue possible par la liberté" (1852) 
"La liberté telle que l’ont proclamée, recherchée, conquises ou rêvée les grands coeurs et les grandes nations de tous les temps, dans l’antiquité romaine comme depuis la rédemption, qui ne peut coexister qu’avec elle, mais dont la disparition fait trop souvent dégénérer l’autorité en despotisme".

"Encore une fois, je n’entend professer ici aucune théorie absolue, universelle, exclusivement applicable à tous les siècles et à tous les peuples. Je prétends seulement que, chez la plupart des peuples chrétiens, et dans l’état actuel du monde, la liberté est un bien, un bien relatif, non absolu. Sauf en ce qui touche aux lois directement établies et révélées par Dieu, je tiens que l’absolu est en tout l’ennemi de la vérité, telle qu’elle s’adapte à l’infirmité humaine [...] Je sais que j’ai contre moi la grande autorité de Bossuet, et j’en gémis. il vaut que le pouvoir des rois soit absolu, et il essaye de distinguer ce genre de gouvernement du gouvernement arbitraire. Ce soin qu’ont toujours pris les hommes de chercher des barrières à la souveraine puissance dans les diverses constitutions des empires et des monarchies, il l’appelle un vain tourment. (...)
Mais sur ce terrain là je proclame, sans crainte d’être démenti, que c’est à la liberté que nous devons en fait, le succès merveilleux et imprévu des intérêts catholiques [...] Ce n’est [...] ni l’Empire, ni la Restauration ; ce n’est ni la protection, ni la sympathie du pouvoir qui lui ont valu la force qu’elle possède aujourd’hui, le mieux relatif que chacun ressent, le progrès manifeste qui chaque jour se révèle. 
Qu’est-ce donc ? Il faut le dire : c’est la liberté, rien que la liberté, et la lutte rendue possible par la liberté." 

Charles de Montalembert, «Des intérêts catholiques au XIXe», in Le Correspondant, novembre 1852, repris in Oeuvres de M. le Comte de Montalembert, Paris, Lecoffre, T. V., 1860, pp. 56-57, 59-64 et 154.
 Association des amis de Charles de  MONTALEMBERT

mercredi 17 avril 2013

La Filiation Idéale et les Vertueux

"Un enfant n'a jamais les parents dont il rêve. Seuls les enfant sans parents ont des parents de rêve", Boris Cyrunlik

Il y a-t-il une filiation idéale? Qui la détermine?

Le droit "à l'enfant", le droit "aux parents idéaux", le droits des parents...
Ma connaissance du monde catholique classique et traditionnel, mes entretiens et débats m'amènent à poser ces questions et proposer cette réflexion prospective.
Quels sont les couples légitimes au droit à avoir des enfants? Qui évalue et comment évaluer cette légitimité?
 
1-Du "désir égoïste"
On entend  avec violence l'illégitimité éthique (en fait, morale) du "désir égoïste" de parentalité et filiation  des couples et parents homosexuels.
Le problème est-il ce "désir égoïste"? N'y a t il aucun désir égoïste dans les couples hétérosexuels? N'existe-t-il vraiment que chez les homosexuels?
Ce désir égoïste serait le  "problème intrasèque"  officiel, concernant la relation homosexuelle (car il serait une négation de l'altérité, est biologiquement stérile et ne correspondrait pas à notre culture historique) selon les catholiques.
Mais n'y a-t-il pas d'autres formes d'égoïsmes bannis dans l'Eglise? Celle-ci par exemple, considère le divorce comme un péché très grave d'égoïsme qui  excommunie de fait le couple catholique. Faudrait-il alors aussi revenir à l'interdiction du divorce dans la Société, qui permettrait une stabilité du foyer et donner sa chance, en amont, à l'enfant de ne pas être victime des égoïsmes parentaux? et donc revenir aux enfants illégitimes, les "bâtards"?...

Sur ce désir des parents, je réécris cette fin de lettre édifiante d'un homosexuel catholique engagé, Jérôme Musseau (Le Nouvel Obs),  adressé à l'évêque de Paris et les manifestants en Janvier dernier:"(...)Dimanche, Monseigneur, je prierai aussi pour les quelques milliers d’enfants et d'adolescents qui sont homosexuels et qui ne le savent pas encore, qui défileront dans les rues, emmenés par leurs parents, sûrs de les garder avec eux dans une forme familiale traditionnelle qui doit faire leur bonheur, en les faisant pour une après-midi les objets des désirs des adultes. Je prierai pour eux, en souhaitant qu’ils trouvent un chemin de libération et de bonheur, quelle que soit l’issue des débats en cours, quelle que soit leur famille."

Si l'on écoute bien, au fond des discours, les principes moraux sous-entendus des manifestants, il y aurait en fait  tant d'égoïsmes et de situations sentimentales, pathologiques, sociales, culturelles qui devraient  interdire une parentalité!
Finalement, le seul vrai couple tenable, l'idéal se vivrait dans un mariage catholique qui banni le divorce. Et si on laisser cette Eglise gouverner le pays, nous reviendrions à cette époque. Puisque le seul fait d'hétérosexualité ne suffira pas à ces manifestants catholiques comme gageure morale dans la filiation/famille idéale, comment prévenir et anticiper les dérives dans les couples?
 
2- Une solution, le permis de parentalité?
Quelle est donc la solution des manifestants? Une chasse aux sorcières morale?
Il n'est pas tout d'appeler au sang( Barjot, vendredi dernier) et d'imposer une théorie du couple idéal à la Société!

Demanderaient-ils de restreindre au seuls couples de bonnes moralités, moeurs, conditions sociales ou matérielles, le droit aux enfants?(en aparté, exit les célibataire pourtant qui ont déjà ce droit, sans que  F.Barjot, Boutin, Mrg23 n'aient manifesté).

On peut se rendre compte tout un chacun comme l'on est choqué parfois par l'irresponsabilité de parents, ou les doutes que l'on peut avoir sur de futurs parents...
Ce sont des questions sur les carences éducatives, affectives (handicapés, détenus, drogués, pauvreté). La DASS retire des enfants aux parents. Il y a des gles, des lois. La Chine dans sa politique de contrôle des naissances  accorde des droits et donne des pénalités (citadins/provinciaux) sur le nombre d'enfant par foyer. Sans compter les stérilisations chirurgicales subventionnées voir forcées ( sous couvert d'autres interventions,  comme en Afrique). 

Faudrait-il alors un permis de moralité pour accéder à la parentalité, justifiant des bonnes moeurs ou vertus afin de protéger, par avance l'enfant, risquant de vivre un calvaire , conséquences du désir égoïste des parents? Pour caricaturer volontairement, faudrait il castrer chimiquement  les gens "impurs"ou "indignes" si l'on ne peut les convertir ou contraindre (ou comme le dit Boutin, demander aux homosexuels de se marier dans une relation hétérosexuelle de façade, ce qui est abjecte de mensonge et de trahison, mais est-on étonné de ses propos...)?
Glissement vers une Société du "pré-crime" moral! Ira-t-on prévenir et déceler les perversions sexuelles, les incapacités matérielles, psycho, physico et culturelles avant un projet parental? Irons nous faire des analyses génétiques, tests psycho, enquètes de voisinage, verifier les diplômes,  fiches salariales et d'imposition comme pour l'éligibilité d'un locataire ou d'un emprunteur? 
On y arrivera un jour, et le pire est déjà là: certains "scientifiques" américains disent avoir découvert le gêne de l'homosexualité...Et comme pour ces mêmes, il s'agit d'une maladie dont la foi et la volonté peuvent guérir...

Peut-on interdire à l'Amour le désir d'enfant?
Quelles seraient les conséquences juridiques en cas d'infraction à leur loi?Une amende ou de la prison? La justice retirerait les enfants à leurs parents illégitimes?  
La loi est amorale, areligieuse, et protège le faible, sans distinction, par principe, en théorie (rien n'est parfait). Le discours du maire rappelle les responsabilités morales et juridiques  du couple quand il se marie. Cela suffit globalement. Et c'est la demande des couples homosexuels!

3-Police de la Vertu
Malheureusement ni la loi ni la religion n'arrêteront les perversions, d'où les limites de la peine de mort. Par contre, la chasse aux bonnes moeurs, elle, n'a jamais de limites. Demandez  à la police des "moeurs et de la vertu",  aux femmes saoudiennes...! Avec ironie, je dirai: Barjot à l'UOIF, c 'est "l'internationale obscurantiste"! Un jihad commun...?
"L'homme n'est ni ange, ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête" nous explique Blaise Pascal dans ses Pensées. A force de déchirer  ou noircir les pages des revues de modes importées, aux douanes, , on se demande qui est le plus obsédé? Le peuple ou les censeurs? 
"Redoutable est la tentation d'être bon"(Bertolt Brecht)!
Ou sont passés la charité, la Miséricorde et la Paix chez ces manifestants catholiques? la confiance en l'Homme, malgré ses défauts? Le monde est il si manichéen pour eux? Condamné d'avance, figé? Les leaders des manifs enseignent aux jeunes le "bisounours  gender", monde binaire du Bien et du Mal. Ils en font des moutons immatures à ne plus penser (récurrents dans les manifestations). Sans leur donner des outils pour comprendre, affronter les subtilités et complexités des vies intérieures, de la psyché humaine , des relations humaines. Et ils en font surtout des bêtes à bien  voter!

Qui est égoïste, qui est violent dans cette dramaturgie de Société à occuper ou détourner les esprits? Un idéal moral de Société ne s'impose pas. Au mieux, il se propose et surtout commence, comme la charité, par soi-même. Sinon il finit dans un bain de sang comme toutes les Révolutions.
Ce sang appelé par un certain leader.