En France nombre de "faiseurs d’opinion", à commencer dans le journal Libération, se sont emparés avec délices du jugement émis par le tribunal de Lille annulant un mariage en raison d'un différend sur une question de virginité. Bien que ce soit rarement dit aussi crûment, il est évident que le principal "intérêt" de cette histoire réside dans le fait que l’homme et la femme concernés par cette décision de justice sont de religion musulmane. On en arrive à penser que saisir n’importe quel prétexte susceptible de nourrir la peur et le rejet impulsif de tout ce qui est arabe et/ou musulman est pour certains, non pas le fruit de la simple ignorance, mais bien le résultat d’une volonté délibérée de créer dans l’opinion des sentiments de détestation, pour ne pas dire de haine…De même qu’il faut sans cesse rappeler que musulman et arabe ne sont pas des synonymes, il faut aussi marteler, encore et encore, qu’il n’y a pas un islam, figé dans une réalité inamovible quel que soit le lieu et le temps, mais des pratiques qui évoluent et se modifient, comme dans toutes les religions d’ailleurs. (Il suffit de penser aux positions des autorités chrétiennes, et des pratiquants, sur la question de la virginité.)Les choses sont donc en constante évolution, dans un monde arabe bien plus proche de nous qu'on ne le croit, au contraire de ce qui est sans cesse répété. Si la virginité y conserve une grand part de sa valeur symbolique, elle est en train de perdre de sa "valeur réelle" car il y est désormais assez facile de "refaire" médicalement une virginité de plus en plus souvent "perdue" à l’occasion de relations sexuelles prémaritales. C’est apparemment au Maroc que les prix sont les plus bas : environ 70 dollars (300 dinars). En Tunisie, l’opération – le plus souvent réalisée au laser – coûte davantage, 300 dollars à peu près. Aujourd'hui, dans bien des familles, la virginité de la jeune épousée est tout aussi symbolique pour les participants à la noce que peut l'être, dans ce rite social, le "blanc virginal" de la robe de mariée dans nos contrées.Il reste que la virginité demeure sans aucun doute une "valeur" socialement très importante mais, comme le soulignent des sexologues et sociologues, au Maroc notamment, la possibilité d’obtenir une sorte de "virginité artificielle" (بكارة إصطناعية) ne peut qu’accélérer une évolution des mœurs, bien réelle déjà au regard du nombre de femmes qui ont déjà eu recours à cette opération.Quant au rôle de l'islam, dont la presse française fait plus que suggérer qu'il est la principale cause de cette fixation des mâles arabes sur la virginité de leurs femmes, il est intéressant de constater que les autorités religieuses sont loin d'être unanimes sur la question. En fait, certaines d’entre elles défendent la "solution" chirurgicale qui, dans le contexte actuel des évolutions sociales, leur paraît un bienfait pour certaines femmes. Mais si les choses sont à l'évidence plus compliquées, on a le droit de penser qu'il y a quelque chose de très "artificiel" à ce que la chirurgie soit, dans nombre de familles arabes, une "solution" à la question que pause la perte de la virginité à ce qu'elles croient être leur "honneur". D'un autre côté, l'unanimité qui s'est faite à l'encontre de la décision du tribunal de Lille paraît, dans le contexte français, pour le moins... artificielle elle aussi !
Pour une réflexion, d'un point de juridique notamment, sur cette question, voir cet excellent billet paru dans Le journal d'un avocat.
http://www.maitre-eolas.fr/2008/05/30/969-n-y-a-t-il-que-les-vierges-qui-puissent-se-marier