Des codes anciens aux nouvelles expressions et revendications populaires.
Le graffiti est un véritable moyen d'expression. Il n'est donc pas étonnant que les murs des pays touchés par le « printemps arabe », soient couverts de messages exprimant la rage et la souffrance. Don Karl peint sous le pseudonyme de Stone depuis trente ans. En 2008, observant les mouvements dans les pays arabes et l'explosion de créativité qui en a découlé, Don Karl commence à rassembler les graffitis arabesLe Graffiti arabe - Pascal Zoghbi & Don Karl - Editions Eyrolles |
Il exprime tantôt les souffrances d'un peuple, tantôt une recherche d'identité. A Beyrouth, Gaza, Téhéran, à Paris, Londres, Berlin ou Montréal, le graffiti traduit une pensée politique, sociale ou personnelle dans un style calligraphique et typographique très expressif, soulignent les auteurs.
Des spécialistes livrent dans l'ouvrage leur analyse des éléments traditionnels, des nouvelles approches et des contextes socio-culturels et politiques qui ont forgé les mouvements du graffiti au Moyen-Orient. Un chapitre sur le "printemps arabe" complète ce panorama.
L'ouvrage regroupe de nombreux artistes majeurs: Huda Smitshuijzen, Rana Jarbou, Tala F. Saleh, Houda Kassatly, William Parry, Hassan Massoudy, Malik Anas AIRajab, eL Seed, Hestl, Julien Breton, le collectif LightCraff, Sun7, Sadhu, L'ATLAS, Native et ZenTwO, Zepha alias Vincent Abadie Hafez ou encore Monsieur Cana alias Askar.
Au Moyen-Orient la bombe de peinture s’avère être la nouvelle arme très efficace.
Bansky, Palestine |
Là où les conflits politiques et religieux fleurissent, les graffitis pacifiques prospèrent. Et pourtant, les graffitis peints la plupart du temps sur des murs de la rue sont loin d’avoir la côte question légalité..
Alors qu’Israël s’embourbe dans un conflit sans fin, nombre d’artistes occidentaux tels que Banksy, Blue, Swoon..- ont fait le déplacement pour appeler à la prise de conscience ou exprimer leur opposition au mur d’Israël. Mots et images dansent sur le mur afin de témoigner le soutien de ces artistes envers le peuple enfermé. Véritable incarnation des remparts de prison, le mur est devenu le support de toute ode à la liberté et à la justice, plaidant pour davantage de tolérance et d’humanité. On peut y lire des citations de Shakespeare, de la Bible, de Gandhi ou encore de Nelson Mandela. D’autres graffitis, très simples, sont davantages touchants pour leur formule que pour le talent artistique qui en émane.
Filippo Minelli, Palestine |
En effet la sobriété des mots « CTRL + ALT + DELETE » peints en bleu ciel sur le mur près du checkpoint de Qalandiya par Filippo Minelli suffit pour que le message soit clair et saisissant. A Beyrouth, théâtre de l’interminable guerre civile libanaise et tout particulièrement marquée depuis quelques jours, le graffiti est le moyen d’expression pour les « refoulés » de l’expression orale. Ils ne peuvent pas être entendus, mais leurs pensées seront lues. Cela ne les empêche pas de signer ou de laisser entrevoir des commentaires politiques et sociaux sur les murs de la ville. Véritable outil de propagande pour les partis politiques, les marquages au mur comparables aux tags des gangs de New-York et Los Angeles, attestent de l’existence d’un parti dans un périmètre géographique particulier. Dès lors les passants sont informés de l’affiliation politique du quartier dans lequel ils s’aventurent.
La voix du peuple libanais n’est toutefois pas en reste. Vers la fin des années 1990, les oeuvres artistiques autres que dans un but de revendication politique, ont fleuri sur les murs orientaux de Beyrouth. Les premiers s’essayent sur des murs et surfaces à l’abri des regards tels que des usines abandonnées ou des parkings désertés… Par la suite, loin d’être considérés comme un acte de vandalisme au Liban, les graffitis largement inspirés de graffitis occidentaux ont pris leurs quartiers dans toute la ville de Beyrouth. Il faut dire que la calligraphie utilisée étant bien différente de la calligraphie arabe, elle n’est pas assez explicite pour être source de complications. Alors mis en confiance, les crews libanais se lancent et font fi des risques pour s’exprimer dans leur propre langue. C’est ainsi que le duo de hip-hop composé de frères jumeaux nommé « Ashekman » s’inspire des difficultés auxquelles leurs compatriotes sont confrontés, en utilisant une typographie arabe simplifiée pour écrire « la rue est à nous » qui indique leur contrôle des rues via leur art, ou encore « Gaza est dans mon coeur« .
Il semblerait que la prose des rues soit devenue un art qui se transmet au point que des ateliers graffiti sont même organisés à Beyrouth tels que « Spray Can Art, Culture is Dialogue » ou encore « Bombing Beyruth« . Pendant ce temps, Sens (Steffi Peichal), artiste allemande qui vit à Beyrouth et travaille avec des ONG, initie les plus jeunes à cet art de la
revendication pacifique dans divers camps de réfugiés palestiniens du Liban.
Livré au regard de tous les passants à leur insu, le message-graffiti s’impose comme dernière tentative d’appel au rêve et à la revendication.
Par Maud Ducasse sur le site Nomes design
The Revolution within yourself’, Ali, Yazan and Zepha, Beirut, 2012 |
Autre expression contemporaine de la calligraphie arabe, onirique, éphémère avec une technique sans trucage, le Light graff. Publié dans le "graffiti Arabe", un site sur le "Light graff" ou julien Breton alias kaalam.
Focus Histoire:
Les graffiti arabes coufiques des premiers siècles de l’islam, en Arabie comme au Proche-Orient, représentent une source d’information inépuisable sur la société musulmane des origines. Toutefois, la datation des textes du ier/viie siècle, antérieurs aux Umayyades, reste problématique et doit se fonder sur des analyses paléographiques rigoureuses. L’étude du contenu des graffiti relatifs à la foi peut aider à dater ces textes du fait qu’ils connurent des phases progressives de développement. Les plus anciens graffiti datés de 23/643 et 24/644 ne contiennent pas de référence au religieux ; les auteurs, comme leurs contemporains, semblèrent plus intéressés de pérenniser leurs noms sur la pierre, s’inscrivant dans la tradition safaïtique. La question des premières professions de foi montre qu’il a existé des formulations archaïques antérieures à la shahâda traditionnelle, reflet d’un monothéisme tribal très matérialiste. Quant aux demandes de pardon récurrentes dans les graffiti, elles relèveraient d’une stratégie d’écriture. Enfin, la constatation de l’absence de citation du prophète Muḥammad dans les graffiti les plus anciens montre, à elle seule, les enjeux historiques et religieux de cette recherche épigraphique.
C'est très beau ! Dans la discipline philosophique bouddhiste , la calligraphie est le portrait de l'âme . Nous apprenons à travers l'écrit calligraphique
RépondreSupprimerLe saviez vous ?
Pierre Yves C.