Je déteste qu'on attende du réel quelque chose
comme un sens. C'est déjà une façon de tricher avec le monde. L'altérité me
paraît bien plus proche de ce que la vie
offre à vivre que cette
question.
Le sens, c'est toujours orienter l'action
ou le temps
dans une seule direction imposée par un groupe qui se considère comme
le meilleur.
Réclamer du sens, c'est faire surgir un monde trop sémantique,
trop orienté, c'est faire
de l'autre en tant qu'être différent un ennemi, c'est vouloir l'exterminer.
Tandis que prôner un monde
uniquement anxieux de l'autre, c'est une façon d'accueillir un réel bien plus
dynamique. Les
sociétés perdues et perplexes ne posent pas de problème.
Apporter du sens,
c'est se boucher la vue. Si l'on vit avec quelqu'un que l'on aime, si on lui
dit : « C'est pour ça que
je t'aime,
voilà le sens de mon amour
», il faut fuir car c'est déjà de la trahison.
On n'est pas
pour une raison
avec quelqu'un, on est face à lui, face à son étrangeté. Le fait
de se réunir sur ce qu'on ignore de l'autre est pour moi bien plus important
que de prétendre connaître quelque
chose
de l'autre.
Interview Lire- Février 1998 .Pascal
Quignard
http://www.cgrcinemas.fr/narbonne/film/les-amants-passagers-2013/video/vf-fa1Almodovar...Le sale gosse du cinéma Espagnol...Génial....Pas très aimé des milieux conservateurs...Normal...Il peint la société telle qu'elle est, sans complaisance, il a choisi la voie la plus difficile pour aimer ses semblables
RépondreSupprimerEt comme je suis fan de pascal et d almo ...
Nadia
Je goûte les provocations et les paradoxes, en ce qu'ils sont suggestifs et porteurs de significations, de .... "sens", trop souvent masqués par de fausses évidences premières. Mais ici, le sens révélé de l'absence de sens au motif de ne rien orienter, ne rien imposer, conduit gentiment au nihilisme. Les philosophies de l'absurde ont eu leur temps de mode dans les années cinquante, mais elles ont passé.
RépondreSupprimerElles ont passé parce qu'elles sont non seulement stériles, mais impraticables. L'homme a besoin de dissiper le mystère du monde pour agir et d'abord pour survivre. Altérité et opacité ? Que non ! Pas possible de bouffer et bosser, sans déchiffrer et comprendre un peu autrui. Dans la chasse au mammouth, il fallait s'entendre en bande, savoir la direction du troupeau, le sens du vent, etc. Ce n'est pas vrai que pour le matériel et l'intendance. On n'aime pas une dame en pensant tu m'es étrangère, sois belle et tais toi. Le plaisir des sens sans sens, c'est court.
Et la spiritualité ? Je m'étonne qu'un "croyant" comme vous relaie abruptement cette citation de Quignard. A moins que vous ne l'ayez coupé d'un contexte ou de contrepropositions qui l'éclaireraient différemment. A moins que votre Quignard donne à sens un sens que je ne saisis pas. Auquel cas il parvient à son objectif de me priver de sens !
Certes on souffre de trop de sens (il en pousse partout comme le chiendent), de faux sens, de sens uniques, de sens interdits, de sens obligatoires. Mais nous avons la chance d'habiter un bout de planète et une époque, où chacun peut faire le tri et choisir. Alors ne crachons pas dans la soupe qui nous nourrit. Oui, le sens est un poison potentiel. L'eau aussi, où l'on peut se noyer et noyer les gêneurs, mais dont on a besoin de boire deux litres par jour. Le problème est le dosage.
D.Br.
Cher Denis (Puis-je?)
RépondreSupprimerJe m'étonne moins de votre réaction!;)
Connaissez vous Quignard? Historien d'art, philosophe, qui a un regard expert de l'humain , ses capacités cognitives et émotionnelles, et un regard anthropologique rare. Une poésie qui parle autant au rationnel qu'au mystique. IL n y a Rien de nihiliste chez lui. Il gène les dogmatique "du beau du bon et du vrai " à toutes les sauces et tout ceux que vous dénoncez dans votre message!
Tout son travail est investi d'une gravité, parfois d'une légèreté, d'une créativité incroyable! Il est, pour moi, un regard indispensable aujourd'hui pour faire sentir ce qu'est, l Homme au regard du savoir, de la science, de l'Histoire et de l'art. Il ne joue pas pas avec les âmes.
Cette citation est le contraire du nihilisme, si nous risquons de la lire au second degré et dépassons son cri!
Si nous en acceptons la fulgurante exigence de la Liberté de ce qu'est l'Autre, du Mystère qu'est l'Autre.
Il en va de même pour notre rapport à la foi. il parle de la foi.
"Je ne sais pourquoi je t aime, mais je t'aime."
Il y a d'un point de vue mystique, un risque de posséder de l'enfermer dans l'image et ou la connaissance que nous croyons avoir de lui.
Ce texte est éminemment poétique, profond, mystique.
Rien n'est immuable. Nous changeons tous. Les vieux couples vous disent qu'après 50 ans de vie commune, ils n'ont jamais fait le tour de l'être aimé! Aimer c est rendre libre l'autre , notre regard à l'autre. Il n y a rien de nihiliste! C'est une exigence qui dépasse nos petites humanité de tout vouloir contrôler connaitre: dominer. refuser le pouvoir ou l'image du pouvoir sur l'autre n'est pas nihiliste.
Oui, Donner du sens peut devenir un jugement. c'est une condamnation. Ou un préjugé, c est une ignorance objective.
Difficile de répondre en quelques lignes, pardonnez moi!
Je vous prie, très sincèrement, de lire Quignard, d'écouter ses citations qu'utilise aussi JC Amesein dans la merveilleuse émission "Sur les Epaules de Darwin".
Je suis persuadé que vous y gouterez avec une joie réelle son travail!
Bon week end de Paques!
Oui, comme vous, un ami vient de me répondre que je lisais Quignard de travers. Mais, hors "Tous les matins du monde", j'ignorais cet auteur, je n'ai pas cherché le contexte de votre citation assez longue pour sembler se suffire à elle même. Enfin, excusez, je suis peu poète et moins encore mystique. Je lis les phrases telles qu'elles sont écrites.
RépondreSupprimerQuignard se garde d'énoncer simplement qu'il ne faut pas aborder l'autre et le nouveau avec des idées préconçues et espérer tout comprendre, ce serait vrai, mais trop banal. Non, il gonfle, il magnifie son propos : il "déteste … attendre un sens … orienter l'action … (pour ne pas) exterminer l'autre". Cette rhétorique hyperbolique aboutit à donner au profane une illustration par l'absurde d'une impasse de sa pensée.
Car la forme révèle le fond. Sa belle morale ignore la triste réalité humaine : ancien ou nouveau, le réel est toujours perçu à partir d'une culture et donc de préjugés. Il faut certes les dépasser. Mais précisément, pour s'en défaire, il faut : et connaître ses a priori personnels qui sommeillent et apprendre à connaître les extériorités qui surgissent. Rester dans l'étonnement, dans le mystère, c'est poétique, mais ce n'est pas tenable. Et c'est dangereux : on peut se raconter n'importe quoi. Il faut transpirer, apprendre la langue, l'histoire, la culture de l'autre, travailler à le comprendre, au lieu de chanter le sans-sens, de célébrer l'étrange irréductible et l'effusion mystique.
Si Pascal Quignard le dit ailleurs dans son livre, je regrette personnellement que votre blog ne s'y soit point référé. Et pardonnez la vivacité de mes propos : j'ai plus de facilités pour la polémique que pour la poésie.
Amitiés
D.Br.
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RépondreSupprimerCher Denis,
RépondreSupprimerVous répondez avant que je réécrive ma réponse il y a un oubli:
"Si nous en acceptons la fulgurante exigence de la Liberté de ce qu'est l'Autre, du Mystère qu'est l'Autre.
Il en va de même pour notre rapport à la foi. il parle de la foi! au sens général.
"Je ne sais pourquoi je t'aime, mais je t'aime." C'est aussi valable pour Dieu!
Il y a d'un point de vue mystique, un risque de le posséder de l'enfermer dans l'image et ou la connaissance que nous croyons avoir de lui. La certitude de la Connaissance de Dieu , d'une Vérité est un fanatisme. Elle détruit l'autre, car le croyant agit avec une conviction totalitaire.
L'humilité n'est pas une fragilité, une faute ou une tiédeur dans la foi.
Elle permet de se laisser enseigner, de renaître à l'écoute, la découverte, l'enseignement de l'autre, du Tout autre.
Parce qu'elle donne la possibilité de faire silence en soi.
Et ce silence permet d accueillir l'autre, c'est pouvoir souffrir avec, c'est la compassion.
Ensuite, je souhaitai rajouter ceci, qui va dans le sens de votre message suivant:
Il y a un mécanisme identique dans la tournure de la grande citation de St Augustin ("Aime et fait ce que tu veux..."). Au premier degré, s'agit il d'une invitation libertarienne?
Avec ou sans connaissance du début de la citation ("Aime ton dieu de toute tes forces...") AImer et faire ce que l'on veut est antinomique.
Aimer invite à vivre le contraire de faire "ce que l'on veut".
Alors que pourtant aimer rend libre!
Le vrai-faux paradoxe de l'Amour et de la Liberté.
Toute vie humaine est riche et infinie, d'expérience! Le chemin est long!
Quignard n'ignore rien de la tristesse et dureté humaine. Son invitation à un détachement de certaiens choses est pour se laver de nos boues, de nos écumes et revenir à l'essence, la"pureté" originelle de la relation à soi, à l'autre, de sa propre identité profonde et de celle de l'autre.
Elle nous rend libre.
Comme vous le dite, nous comprenons et apprenons à tâtons. Il faut commettre des erreurs.
Je ne craindrai pas pourtant d'en parler à des jeunes. Et ce notamment pour une pédagogie du regard à l'autre, comme vis à vis des handicapés, et ceux qui à première vue, peuvent créer une gène ou faire peur.
L'handicapé n'attend que ce regard de l'autre envers lui-même!