Une lecture féministe, du Coran, de l'interprétation de la Chariâ, et des Hadiths.
Une femme peut-elle gouverner un État musulman, commander une armée, participer à la guerre , au même titre que les hommes ? Une femme mariée peut-elle prendre l'initiative sur le plan sexuel, répudier son mari ? Un mari a-t-il le droit de battre sa femme ? Pourquoi les femmes portent-elles le voile ?
L'objectif de l'auteure est de montrer d'abord que les fondements religieux, établis au tout début de l'islam, sur lesquels repose la discrimination exercée à l'endroit des femmes dans le monde musulman sont la fabrication des hommes et le résultat des luttes de pouvoir entre réformistes et conservateurs, de montrer aussi que les actions des hommes étaient guidées par les intérêts économiques et, qu'à l'époque, les femmes ont pris une part active autant dans les débats politiques que dans les luttes idéologiques et militaires.
L'hypothèse de l'auteure - un très grand nombre de Hadiths, utilisés aujourd'hui à des fins discriminatoires, ont été inventés de toutes pièces par les hommes, surtout avant la période de leur consignation écrite, c'est-à-dire près de deux siècles après la mort de Mohammed
Mernissi entreprend donc une relecture des textes sacrés, du Coran, du Hadith et des œuvres des grands commentateurs. Pour se prémunir contre les attaques des théologiens orthodoxes musulmans et des conservateurs, elle s'appuie sur le principe, reconnu par le Coran, de l'obligation faite à tout musulman de recourir à la raison (al Aql) pour décoder cet ensemble de signes qu'est le Coran . Mernissi fait également appel aux données des sciences modernes comme la psychanalyse, la sémiotique, la linguistique et l'analyse politique.
Dans Le harem politique Mernissi s'attaque, entre autres, à des Hadiths misogynes authentifiés et à certains versets du Coran qui ont et continuent d'avoir un important poids dans la détermination de la place réservée aux femmes dans les sociétés musulmanes. Deux exemples suffiraient à illustrer son analyse.Ainsi, Boukhari (-808-870), l'un des fondateurs, au IXe siècle, de la science de l'lsnad (la chaîne de transmission des Hadiths depuis le Prophète), a interviewé 1 080 personnes et, parmi les 600 000 Hadiths qu'il a recueillis,seulement 3 275 ont été reconnus comme authentiques . C'est Abu Bakra qui aurait entendu le Prophète dire : "Ne connaîtra jamais la prospérité le peuple qui confie ses affaires à une femme ". Ce Hadith figure parmi les deux ou trois mille Hadiths authentifiés méticuleusement par Boukhari et ses disciples. Dans quelles circonstances ce Hadith a-t-il été rapporté et quelle crédibilité peut-on accorder à son narrateur ?
(...)Le port
du voile n'a pas été édicté par un Hadith, mais imposé par un verset coranique qui
fut révélé à Mohammed à la suite de longues tractations et luttes idéologiques -
dont les bases économiques sont bien soulignées par Mernissi - entre les
promoteurs de l'égalité des sexes, représentés par le Prophète Mohammed, sa
femme Aicha et Abu Bakr, le père d'Aïcha, d'un côté et, de l'autre, ceux,
nombreux et puissants, qui tenaient à sauvegarder les coutumes et les lois de la
société préislamique leur garantissant la domination des femmes. Si « Les idées
de Mohammed sur l'octroi aux femmes des mêmes droits que les hommes
privaient les Abdallah B. Ubayy des ressources financières importantes
provenant de l'esclavage des femmes » (p. 230), on saisit mieux pourquoi
seules les femmes de l'aristocratie devaient, du moins au début de l'islam, porter
le voile. Les autres, esclaves, prostituées et sans statut, n'étaient plus protégées
contre la violence et l'exploitation des hommes, après la descente du verset
coranique imposant le voile : « Prophète, dis à tes épouses, à tes filles, aux femmes des croyants de revêtir leurs mantes [voiles] : sûr moyen d'être reconnues (pour des dames) et d'échapper à toute offense » .
Fatima Mernissi |
La société musulmane, celle que Mohammed a voulu instaurer au début de
sa vie de Prophète et de chef politique, n'est pas génératrice d'inégalités entre
les hommes et les femmes. Elle les a, tout au plus, reproduites et, parfois,
atténuées. Les alliances qui se sont établies entre des hommes politiques de
tendance conservatrice, ceux surtout que l'Islam avait privés des prérogatives
dont ils jouissaient dans la société préislamique - esclavage des femmes
capturées durant les guerres entre tribus, déshéritement, proxénétisme, etc. -
ont fini par avoir raison de la tendance réformiste défendue par Mohammed. Et Naïma Tabet, philosophe marocaine, résume bien les influences auxquelles
devait faire face Mohammed et la précarité de sa position en tant que chef
politique devant la subsistance des idéologies tribales préislamique:
"Mohammed devait d'une part mener une lutte acharnée contre la résistance
des mentalités conservatrices imprégnées d'idéologies liées aux structures
tribales, comme il devait, d'autre part, compter avec ces mêmes idéologies,
ce qui ne pouvait que nécessiter des reculs [sur ses principes égalitaires], de
temps à autre, afin de maintenir un certain équilibre sans lequel sa mission
aurait été dès son début vouée à l'échec".(Naïma Tabet)
Si les lecteurs et lectrices du Harem politique ont, parfois, l'impression que
l'auteure voulait réhabiliter le Prophète Mohammed, ce n'était pas là son but
explicite. Mernissi réussit cependant à donner un visage humain à ce réformiste
que l'histoire et les hommes ont mythifié. De la même façon elle restaure l'image
de la femme : on n'est plus devant des êtres pétrifiés subissant sans broncher
les actions des hommes, mais devant des femmes militantes qui ont tout fait pour
défendre leur cause. Aicha n'a-t-elle pas participé aux débats politiques et fait
des pressions sur Mohammed pour qu'il ne cède pas à la demande des
tradionalistes exigeant de lui l'imposition aux femmes du port du voile ? N'a-t-elle
pas chevauché à la tête d'une armée pour combattre Ali, ce conservateur
farouchement opposé à l'établissement de l'égalité entre les hommes et les
femmes ? Et Sukaïna l'arrière-petite-fille de Mohammed, pour conclure
sur cet autre exemple du militantisme féminin mis en évidence par Mernissi, n'a-t-elle pas toujours refusé, afin de sauvegarder son autonomie
- participer au conseil de la tribu et recevoir chez elle les poètes etc. -, de
consentir l'obéissance, clef du mariage musulman, à aucun des cinq maris qu'elle
a eut ? N'est-elle pas allée jusqu'à inclure dans l'acte de mariage une clause les
obligeant à renoncer à la polygamie, pourtant acceptée par l'islam, et à intenter et
gagner un procès contre celui parmi eux qui n'avait pas respecté cette clause ?(...)
Extrait de la fiche de lecture de M’hammoud MelloukiDépartement d'administration et politique scolaires
Université Laval, Qebec
Son blog: MERNISSI
"La Femme dans trois œuvres d’adab andalouses," par Nadia Lachiri, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Meknès, Maroc.
" Femme et Islam ", (Approches), collection dirigée par Aïcha Belarabi. Editions Le Fennec, Casablanca,
Un blog culturel, féministe marocain: ETUDES MAROCAINES
Un article paru dans l'hebdomadaire marocain TELQUEL sur le féminisme islamique
Un livre présenté sur un autre blog: "Religions d'Hommes, Regards de Femmes"
Un article paru dans l'hebdomadaire marocain TELQUEL sur le féminisme islamique
Un livre présenté sur un autre blog: "Religions d'Hommes, Regards de Femmes"
Excellent!
RépondreSupprimerExcellent
Non seulement vous avez compris et en plus convaincu avec ce texte que la première des libérations est celle psychologique et intellectuelle dans la conscience musulmane contemporaine. Il ne s’agit pas de changer les textes, le Coran ne changera pas, la tradition du Prophète (Psl) ne changera pas. Ce qui doit changer c’est nos têtes, c’est notre façon de lire, c’est notre façon de comprendre
nous sommes intellectuellement aliénés car nous avons donné la possibilité d’être intellectuellement aliénables
Excellent encore une fois et merci de diffuser contre tout amalgame .
"Je ne suis pas dirigé, Je dirige" dit la devise du drapeau brésilien.
SupprimerIL faut en effet se défaire du joug des obscurantismes intérieurs, que nous portons parfois malgré nous dans nos traditions, et du regards obscurantiste extérieur: ignorance, amalgames...
Il faut parfois souffrir d'un regard scientifique de nos textes. Savoir décortiquer l'historicité, la contextualité tout en gardant la dimension symbolique du récit, des paraboles.
La sacralité est dans le symbole.
Je prend pour exemple les connaissances scientifiques sur la création de l'univers, ou en génétique où il n y a pas de déterminisme génétique absolu. Les résistances sont nombreuses (intelligent design ou créationisme, "contre-études de genre"(gender studies) vue par ces mêmes courants créationistes).
L'approche symbolique de la Genese, permet de toucher son essence. La pédagogie du message n'est pas altéré. La Connaissance n'ebranle que les crédules.
La sacralité n 'est pas dans le contenant. Mais dans la symbolique du contenu. Du moins c est mon approche "contemporaine chrétienne".
L'on m'apprendrait que Jesus avait un frère (intéressant de comprendre le sens du mot frère dans les Evangiles, l'analyse ancienne et celle, au regard des connaissances sociologiques, anthropologiques, linguistique actuelles), cela n'ébranlerait nullement ma foi.
Je crois qu'il en va de même pour Nermissi dans son travail sur le récit coranique, et l'Isnad (hadith).
Youssef Seddik va plus loin encore, en proposant une sélection de Versets (ceux non contextuels).
Une pédagogie aussi pour ouvrir à la connaissance de ce livre pour les non initiés.
Il ya des travaux plus radicaux, enfin, sur l'étude historique de la construction du Coran.
Permettons toutes les démarches scientifiques, arreligieuses par nature.
Elles nous sauveront de tous les obscurantismes.
Et en peuvent que nous élever, approfondir nos fois, nos convictions dans cette quète d'authenticité, quelque soit le chemin de chacun.
Merci de votre message!
Bien cdt
Utile relecture. Il serait temps. Sans pouvoir combler toutes les attentes. Les monothéismes sont handicapés. Yahvé ! Allah ! Ils n'offrent qu'un dieu masculin, juste complétées par quelques martyres et saintes plus ou moins apocryphes. Les polythéismes, eux, étaient dûment équipées en déesses à part entière : Vénus, Junon, Déméter et tutti quanti.
RépondreSupprimerD. Br.