Un des principaux intellectuels à déconstruire le choc des civilisations selon moi. Admirateur de l'Emir Abd-el Khader, Bruno Etienne est un homme accompli, pluridisciplinaire, humaniste, empêcheur de tourner en rond, mystique, homme de terrain. Sa démarche bouscule les peurs et ignorances actuelles. Elle appréhende l'Autre sans concession ni manichéisme(L'islamisme radical, 1987). Son humanisme est une lumière pour le rapprochement des rives de la Méditerranée. Ce qui en fait un résistant à la médiocrité de nos Sociétés, nos obscurantismes actuels.
Le professeur Bruno Etienne, pionnier de la recherche pluridisciplinaire sur le phénomène religieux et plus particulièrement sur la dimension politique dans l’espace euro méditerranéen, est décédé hier à l’âge de 71 ans. Il était rattaché à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, sa ville natale.
Bruno Etienne est l'un des premiers vulgarisateurs de la formule "Islam de France", soulignant le processus de "nationalisation" de la religion musulmane dans l'Hexagone. Il contribue à remettre en cause le cliché d'une religion étrangère et importée, montrant sa proximité et ses affinités avec l'histoire de France. Ses travaux convergent vers la même idée : l'islam est devenu une religion "française" et la France sera probablement appelée à être une terre de réforme musulmane.
Il insistait, par ailleurs, sur le fait que l'islam n'était qu'une des dimensions de la vie des musulmans en France. Devant ses élèves, il répétait cette phrase : "Quand on fait des enquêtes sur les musulmans de France, on en trouve davantage au PMU qu'à la mosquée !" Comme le souligne Franck Fregosi, "il n'a cessé d'affirmer l'inexistence d'une communauté musulmane entendue comme un ensemble monolithique d'individus ayant les mêmes pratiques, défendant les mêmes intérêts et mus par le souci de l'unité communautaire".
«C’est aux jeunes filles voilées que l’on doit donner les palmes académiques et non au ministre qui les a exclues!», aimait-il répéter.
«C’est un des premiers à avoir envisagé d’étudier le religieux en sciences politiques comme tel, et à avoir compris que l’islamisme radical était un produit de l’Occident, un mouvement moderne et pas le cheminement normal de la tradition islamique», rapporte Raphaël Liogier, professeur à l’IEP d’Aix
De même, il critiqua à plusieurs reprises les «dérives» de la politique étrangère de la France, notamment lors de la première guerre du Golfe (1990-1991) qui, selon lui, ignorait la complexité du monde arabe (cf. son livre: Ils ont rasé la Mésopotamie: du droit de coloniser au devoir d’ingérence, Paris, Eshel, (2000)
Au fond, ce protestant de culture, 4e dan de karaté Shito-ryu, autant attiré par le bouddhisme que par l'islam, n'aimait rien tant que l'éclectisme. C'était sa manière à lui de chérir l'humanité. Quelques mois avant sa mort, il déclarait au quotidien La Provence : "J'ai une certaine sympathie pour la connerie des hommes, leur volonté de défendre leur peau. Tout ce que l'humanité produit, même de mauvais, m'intéresse."
lire un texte disponible sur internet (publié par Actes Sud):
Islam et Liberté: une salutaire complexité.
Bruno Etienne lors de l'inauguration de la Place Emir Abd el Khader à Paris en 2006:
L’Emir Abdelkader, « un pont entre l’Orient et l’Occident et dont la guidance est plus pertinente que jamais », a relevé l’universitaire Bruno Etienne. « Un précurseur du dialogue interreligieux. Au plus fort des guerres de conquête, il établit un statut des prisonniers, cent ans avant la Convention des droits de l’homme de Genève. » Et à Damas, l’Emir organisait la protection des minorités, sauvant en 1860 plus de 12 000 chrétiens, considérant qu’il y a « une loi au-dessus des lois : la loi de l’humanité tout entière ». Et Bruno Etienne d’ajouter : « Tous ceux qui invoquent l’incompatibilité de l’Islam avec les droits de l’homme sont au mieux des ignorants », rappelant ces paroles d’Abdelkader : « Si les chrétiens et les musulmans pouvaient m’écouter, je cesserais leurs querelles. Je ferai d’eux des frères à l’intérieur et à l’extérieur. » Bruno Etienne de commenter : « En opposant l’Orient à l’Occident, l’humanité s’égare "et" c’est la méconnaissance de l’autre qui est la cause des fantasmes et des préjugés. »
Propops recueillis par Nadjia Bouzeghrane, El Watan, le 18 novembre 2006.
Le professeur Bruno Etienne, pionnier de la recherche pluridisciplinaire sur le phénomène religieux et plus particulièrement sur la dimension politique dans l’espace euro méditerranéen, est décédé hier à l’âge de 71 ans. Il était rattaché à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, sa ville natale.
Bruno Etienne est l'un des premiers vulgarisateurs de la formule "Islam de France", soulignant le processus de "nationalisation" de la religion musulmane dans l'Hexagone. Il contribue à remettre en cause le cliché d'une religion étrangère et importée, montrant sa proximité et ses affinités avec l'histoire de France. Ses travaux convergent vers la même idée : l'islam est devenu une religion "française" et la France sera probablement appelée à être une terre de réforme musulmane.
Il insistait, par ailleurs, sur le fait que l'islam n'était qu'une des dimensions de la vie des musulmans en France. Devant ses élèves, il répétait cette phrase : "Quand on fait des enquêtes sur les musulmans de France, on en trouve davantage au PMU qu'à la mosquée !" Comme le souligne Franck Fregosi, "il n'a cessé d'affirmer l'inexistence d'une communauté musulmane entendue comme un ensemble monolithique d'individus ayant les mêmes pratiques, défendant les mêmes intérêts et mus par le souci de l'unité communautaire".
«C’est aux jeunes filles voilées que l’on doit donner les palmes académiques et non au ministre qui les a exclues!», aimait-il répéter.
«C’est un des premiers à avoir envisagé d’étudier le religieux en sciences politiques comme tel, et à avoir compris que l’islamisme radical était un produit de l’Occident, un mouvement moderne et pas le cheminement normal de la tradition islamique», rapporte Raphaël Liogier, professeur à l’IEP d’Aix
De même, il critiqua à plusieurs reprises les «dérives» de la politique étrangère de la France, notamment lors de la première guerre du Golfe (1990-1991) qui, selon lui, ignorait la complexité du monde arabe (cf. son livre: Ils ont rasé la Mésopotamie: du droit de coloniser au devoir d’ingérence, Paris, Eshel, (2000)
Au fond, ce protestant de culture, 4e dan de karaté Shito-ryu, autant attiré par le bouddhisme que par l'islam, n'aimait rien tant que l'éclectisme. C'était sa manière à lui de chérir l'humanité. Quelques mois avant sa mort, il déclarait au quotidien La Provence : "J'ai une certaine sympathie pour la connerie des hommes, leur volonté de défendre leur peau. Tout ce que l'humanité produit, même de mauvais, m'intéresse."
lire un texte disponible sur internet (publié par Actes Sud):
Islam et Liberté: une salutaire complexité.
Bruno Etienne lors de l'inauguration de la Place Emir Abd el Khader à Paris en 2006:
L’Emir Abdelkader, « un pont entre l’Orient et l’Occident et dont la guidance est plus pertinente que jamais », a relevé l’universitaire Bruno Etienne. « Un précurseur du dialogue interreligieux. Au plus fort des guerres de conquête, il établit un statut des prisonniers, cent ans avant la Convention des droits de l’homme de Genève. » Et à Damas, l’Emir organisait la protection des minorités, sauvant en 1860 plus de 12 000 chrétiens, considérant qu’il y a « une loi au-dessus des lois : la loi de l’humanité tout entière ». Et Bruno Etienne d’ajouter : « Tous ceux qui invoquent l’incompatibilité de l’Islam avec les droits de l’homme sont au mieux des ignorants », rappelant ces paroles d’Abdelkader : « Si les chrétiens et les musulmans pouvaient m’écouter, je cesserais leurs querelles. Je ferai d’eux des frères à l’intérieur et à l’extérieur. » Bruno Etienne de commenter : « En opposant l’Orient à l’Occident, l’humanité s’égare "et" c’est la méconnaissance de l’autre qui est la cause des fantasmes et des préjugés. »
Propops recueillis par Nadjia Bouzeghrane, El Watan, le 18 novembre 2006.
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